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histoire de la maison fabergé

La maison « C. Fabergé » de Saint-Pétersbourg, fut le joaillier des cours de Russie, de Grande-Bretagne, de Suède et du Siam.

Peter-Carl Fabergé (Carl Gustavovitch en russe) est né à Saint-Pétersbourg le 30 mai 1846 dans la famille du joaillier et maître orfèvre Gustav Fabergé qui avait ouvert dans cette ville un modeste atelier sur la rue Bolchaïa Morskaïa.

Les Fabergé étaient à l’origine des protestants français (huguenots) de Picardie ; leurs ancêtres avaient dû fuir ce pays après la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV. Transitant par le Nord de l’Allemagne, ils s’étaient d’abord installés dans la province balte de Russie avant de s’établir à Saint-Pétersbourg. En 1872, Carl prit la succession de son père parti à la retraite.

Il déménagea rapidement du modeste atelier dans un local plus spacieux situé de l’autre côté de la rue. Après quelques années, la taille de cet atelier avait doublé.

En 1900, C. Fabergé s’installa dans un nouveau bâtiment qu’il avait acquis sur la même rue et réaménagé selon sa propre idée dans le style du gothique anglais : la façade était revêtue d’un splendide marbre de Finlande.

Au rez-de-chaussée de cette maison, rénovée par le célèbre architecte Carl Schmidt, fils d’une cousine de Carl Fabergé, sur la rue qui en 1902 prit le nom de Morskaïa (auparavant Bolshaïa Morskaïa), se trouvait une grande joaillerie. Il y avait encore trois étages. Au dernier d’entre eux se situait l’élégant appartement de Fabergé, dessiné et décoré à son goût. Sa salle de travail et son cabinet, revêtus de lambris en chêne, étaient particulièrement réussis ; la pièce la plus intéressante et la plus luxueuse était la bibliothèque, haute de deux étages ; le boudoir de son épouse, Augusta Fabergé, née Jacobs, était très élégant. Le père de cette dernière était un maître sculpteur sur ébène reconnu : il réalisa de nombreux objets de premier ordre pour Nicolas I, Alexandre II et Alexandre III.

Dans le nouveau bâtiment Fabergé prenaient place plusieurs salles d’exposition dans lesquelles étaient vendus des articles de joaillerie, des pièces taillées, et de l’argenterie ; là se trouvaient également la comptabilité et les ateliers des dessinateurs et des sculpteurs : Dans la bibliothèque spécialisée étaient rassemblés des livres sur tous les genres et styles d’art possibles ; une attention particulière était portée à la joaillerie, c’était une bibliothèque unique. Dans quelques salles étaient exposés des modèles en cire, en pâte à modeler, en métal, en émail, etc. C. Fabergé installa dans cette maison son propre atelier afin de suivre au mieux la fabrication des objets. Il était lui-même un peintre et un designer reconnu, et la plupart des articles étaient confectionnés selon ses projets ou ses idées, qu’il transmettait à ses dessinateurs ; il contrôlait tout jusqu’au moindre détail.

L’entreprise comprenait également une fabrique spécialisée et des ateliers de sculpture, qui produisaient de multiples articles en pierre fine de toutes sortes, principalement de Sibérie : des figurines d’animaux, des plus petits aux plus grands ; des fleurs et plantes, fidèles copies des originales, dans des vases en cristal de roche. Etaient également réalisées toutes sortes d’objets comiques, par exemple des types russes : soldats, paysans, paysannes, cosaques, etc.

Un jour, je crois que c’était en 1883, Carl Fabergé eut l’heureuse idée de confectionner un œuf de Pâques original, et il en fit part à Alexandre III.

Ce délicieux objet fut très apprécié par Sa Majesté qui lui en passa commande et émit le souhait que chaque année, à la veille de Pâques, un nouvel œuf lui fût livré au Palais.

Ce premier exemplaire était réalisé en or et recouvert d’émail blanc ; le jaune d’œuf, en or, contenait une poule avec les ailes en or de diverses couleurs qui renfermait à son tour une miniature en diamants de la couronne impériale dans laquelle se trouvait un petit œuf en rubis que l’on pouvait porter en pendentif.

Dès lors, chaque année, mon père projetait un nouvel œuf avec une surprise que le tsar offrait à se femme, l’impératrice Maria Feodorovna.

Après la mort de Sa Majesté, mon père fut obligé de confectionner les œufs par paires pour le tsar Nicolas II qui en faisait cadeau à sa femme, Alexandra Feodorovna, et à l’impératrice mère. Il réalisa en tout cinquante œufs.

Carl Fabergé participa à de nombreuses expositions. Il remporta un grand succès à l’Exposition des Beaux-Arts et de joaillerie de Nuremberg en 1885 où il présenta des copies des superbes parures en or de la Grèce antique dont les originaux se trouvent au Musée de l’Ermitage. Ces bijoux ont été confectionnés plusieurs siècles avant notre ère. C. Fabergé obtint la médaille d’or.

En 1888, à l’Exposition du Nord de Copenhague, il reçut un Diplôme d’honneur.

Il prit part ensuite à l’Exposition russe de Nizhni-Novgorod en 1896 (médaille d’or) et gagna le droit de faire figurer sur son enseigne les armoiries d’Etat ; avant cela, à l’Exposition russe de 1882, il avait remporté la médaille d’or. L’année suivante, en 1897, Fabergé reçut du roi de Suède et de Norvège le titre de joaillier de la cour, et Evgueni Fabergé, membre du jury, remporta la médaille d’or.

Mais Fabergé connut son plus grand succès lors de l’Exposition universelle de Paris en 1900 où il présenta ses réalisations hors concours, siégea dans le jury et fut décoré de la Légion d’honneur, alors que son fils aîné Evgueni fut décoré de la palme, symbole des officiers de l’Académie des Beaux-Arts, et que ses principaux orfèvres remportèrent les médailles d’or et d’argent.

Le tsar Alexandre III conféra à C. Fabergé le titre de fournisseur de la cour impériale et Nicolas II celui de joaillier de la cour.

Outre la maison-mère de Saint-Pétersbourg, Fabergé possédait une filiale moscovite dotée d’une fabrique qui réalisait de l’argenterie et des bijoux. Il ouvrit ensuite une filiale à Odessa avec des ateliers, puis une autre à Kiev, cinq ans plus tard. Il y avait un grand magasin à Londres dont le premier gérant fut Arthur Baud, auquel succédèrent H. Bainbridge et Nicolas Fabergé, le fils cadet de Carl. Sa Majesté le roi Georges V fit de C. Fabergé le joaillier de la cour.

Sur l’invitation de Son Altesse le prince du Siam Chakrabong, qui avait étudié à Pétersbourg et savait parfaitement le russe, Fabergé entreprit un voyage au Siam (l’actuelle Thaïlande) et visita les palais des maharadjahs indiens. Sa Majesté le roi Chulalongkorn lui conféra le titre de joaillier et d’émailleur de la cour ; il était un grand admirateur de son art.

Suite à l’Exposition universelle de 1900, Fabergé acquit une nombreuse clientèle non seulement à Paris, mais aussi dans tout le monde civilisé, tant en Europe qu’en Amérique.

Je ne parle pas des grands princes russes ni d’une partie importante de la noblesse européenne qui étaient des clients réguliers de la maison. Lors des voyages officiels des monarques étrangers à Pétersbourg, le programme comportait obligatoirement un passage dans le magasin Fabergé. Pas un seul d’entre eux ne refusait la visite.

Quand la révolution éclata, les magasins Fabergé restèrent ouverts, ils ne furent fermés que peu de temps. La famille Fabergé vécut un an et demi sous le nouveau régime, dont une année sous les bolcheviques. Puis Carl émigra à Riga qui était alors la capitale de la Lettonie.

Quand les bolcheviques prirent d’assaut la ville, il parvint non sans mal à fuir en Allemagne avec quelques amis. Mais quand là aussi la révolution débuta, il fut contraint de gagner tout d’abord Francfort-sur-le-Main, puis Homburg et, finalement, Wiesbaden.

On comprendra aisément que tous ces déménagements et cette existence stressante commencèrent à compromettre sa santé, ce d’autant plus qu’il était déjà âgé de soixante-quatorze ans.

A Wiesbaden, il tomba malade, alors qu’en Russie il s’était toujours distingué par une santé de fer.

En juin 1920, sa femme et son fils Evgueni le transportèrent à Lausanne. Le bon air suisse eut sur lui une influence bénéfique et il se sentit mieux ; il faisait même parfois des balades sur le lac Léman jusqu’à Ouchy, Montreux ou encore Nyon avec son petit-fils Peter, le deuxième fils d’Agafon. Il souffrait cependant de cette inactivité, il avait toujours été si travailleur, actif, intelligent, assidu.

Cette vie d’oisiveté lui était insupportable. Il répétait souvent : « Ne pas pouvoir travailler ni être utile, ce n’est pas une vie. Ça n’a pas de sens. » Son cœur était affaibli par cinquante années de travail créateur. Après avoir fondé une entreprise de joaillerie de premier ordre, connu le succès et la notoriété à travers tout le monde civilisé, cet homme était obligé de regarder son œuvre et son existence sombrer de façon si bête et si insensée. Cela l’a achevé.

Carl Fabergé s’est éteint calmement, sans souffrir, à l’aube du 24 septembre 1920 en présence de son épouse, une heure après avoir fumé une moitié de cigarette. Conformément à ses dernières volontés, son corps fut incinéré au crématorium de Lausanne aux sons de la Messe de Beethoven qu’il aimait tant. Augusta Fabergé est morte à Cannes le 27 janvier 1925. En mai 1930, j’y ai transporté les cendres de mon père et l’ai enterré dans la tombe de ma mère. J’ai déposé sur leur sépulture un monument funéraire élégant et simple à la fois car mes parents furent leur vie durant des gens simples et élégants. Il est sculpté dans du porphyre noir de Suède avec des lettres en or, selon le souhait de mon père.

 

Petit écrit par Evgueni Fabergé le 13 février 1937 à la demande de Henry Bainbridge (archives de Tatiana Fabergé, résumé)